De la dispersion: combattre les perturbateurs endocrâniens

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Le 9 juin 2014 par Jean-François Dortier

distraction-300x193Pourquoi esil si difficile de se concentrer longtemps sur une même tâche ?

Bien sûr, les conditions de travail poussent à la dispersion : c’est le le commun des cadres qui doivent gérer une multitudes de taches en parallèle. Le phénomène n’est pas nouveau: il y a 40 ans déjà, dans une étude célèbre, Henri Mintzberg avait calculé que les  activités des cadres dirigeant ne durait guère plus que quelques minutes (entre 3 et 15 minutes. Les réunions programmées sont plus longues (un peu plus d’une heure (68 minutes) en moyenne). L’étude date de 1973, bien avant l’incursion des mails et smartphones ! La diversité et la brièveté des tâches à été bien sur renforcé par deux phénomènes majeures: l’irruption des « nouvelles technologies » mais aussi changement des règles hiérarchique. Désormais tout cadre qui se respecte se doit être à l’écoute de ses collaborateurs et que sa porte doit être toujours ouverte. Il n’y a même plus besoin de frapper avant d’entrer, il suffit de passer la tête en travers de la porte (« je ne te dérange pas ? » (« si, bien sûr, sinon, cela voudrait dire que je ne faisais rien !).

Àutant de « perturbateurs endocrâniens » (autrement dit de « prise de tête) qui viennent déranger le cours idéal des choses prévues: celui qu’on avait imaginer le matin en partant au travail. La sociologue Caroline Datchary a écrit un beau livre sur le sujet : « La dispersion au travail, (2011). Son enquête menée dans différents milieux de travail montre que la dispersion est un mal qui touche de nombreux secteurs de travail. Mais la dispersion n’est pas seulement une contrainte (multiples solliciations et polycompétence). Chacun y trouve aussi son compte… Car la dispersion est aussi synonyme de distraction et variété. Il y a aussi des avantages à la dispersion : elle rompt la monotonie, en créant de variété et rend le travail distrayant.

Le dispersion est en partie subie et en partie volontaire. C’est là la fois  le besoin de se distraire et les multiples sollicitations qui s’offrent à nous qui nous pousse irrémédiablement à aller jeter des petits coups d’oeil sur ses mails « au cas où », alors que je suis en train rédiger une article ou rédiger une note de service. Tiens, ce matin par exemple. J’avais décidé d’écrire un petit billet sur la distraction. Et au bout d’à peine une demi heure de rédaction j’étais déjà en train de déambuler dans Google. Parti, à la recherche d’une référence (mais qui donc a écrit « l’ennui naquit un jour de l’uniformité » est ce bien La Fontaine ? Non : un certain Antoine Houdar de la Motte. Qui est ce type ? Vite Wikipédia… trois minutes plus tard, j’avais dévié de mon but  et j’en étais à télécharger une application téléphonique sur les citations, etc.

 

Bref, revenons à nos moutons.

Où en étais-je ? Oui ! Ç’a y est : s’il est donc si difficile de ses concentrer, ce n’est pas simplement a cause des dérangements extérieurs : le téléphone, les mails ou l’intrusion inopportune d’un collègue, ou le besoin d’une cartouche d’encre pour l’imprimante. Nous sommes aussi victimes de notre propre penchant à la distraction. Le cerveau humain est  volage par nature. « Quel inconstant que l’homme » écrit Montaigne. Notre esprit est ainsi fait : toujours attiré par le divers, le nouveau, l’original, le frais. Il a du mal à rester en place et à se consacrer longtemps sur une seule tâche.

Cette tendance à la dissipation est liée a plusieurs facteurs.

• Un cerveau en alerte. La dispersion provient aussi d’une constante posture d’alerte propre à un cerveau animal soucieux de survie. Ce penchant a lever le nez au moindre signe à des racines évolutives profondes : c’est facteur de survie. La curiosité pousse les animaux à explorer en permanence leur environnement pour trouver de la nourriture ou pour se protéger des dangers: il leur faut donc être « en alerte » et lever le nez au moindre un bruit, au moindre mouvement. Cette  « inquiétude » et préoccupation permanente pour tout ce qui dérange le cours normal des choses doit jouer une rôle dans la survie. Avoir l’œil et l’oreille aux aguets : c’est important pour éviter les danger, saisir les opportunités. Mais cela n’encourage pas à la concentration.

• L’habituation. L’habituation? c’est le nom façon scientifique d’un constat ordinaire « Tout passe tout lasse ». C’est la chute d’intérêt et de plaisir qui se produit au fil du temps pour tout ce que l’on fait.

• La difficulté. Une autre raison enfin pousse à la distraction : la difficulté. Si je suis en train d’écrire un article et que je butte sur un obstacle imprévu (une difficulté conceptuelle par exemple), je vais sans doute m’obstiner, mais si je « cale » vraiment, j’aurais tendance à abandonner la partie et passer à autre chose. (« On verra ça demain »).

• La fatigue. La concentration demande de l’effort et le cerveau s’épuise vite. Tout effort est coûteux et c’est une autre raison encore de laisser tomber la tâche en cours pour passer à autre chose. Se lever, souffler, aller boire une café, se détendre… Ce que je vais faire de ce pas.

 


4 commentaires »

  1. Alain écrivait : « Qui saurait parfaitement sa langue saurait tout de l’homme » (20 nov. 1921, Propos, 1956, p. 325). C’est une formule excessive, mais pertinente en l’occurrence.
    On dit « se fatiguer de quelque chose », pas seulement en français.
    Dans ma langue maternelle (le néerlandais) ,« Ik ben moe » = je suis fatigué ; « ik ben het moe » = j’en ai marre, ça me fatigue.
    En anglais : « te be tired » signifie aussi bien « être fatigué » que « en avoir assez, ras le bol ».
    Comme nos muscles, notre cerveau ont besoin de pauses. Si nous ne les prenons pas « rationnellement », la « distraction » nous y oblige.

    En espérant que Jean-François Dortier continuera son extraordinaire travail d’information, entrecoupé de quelques pauses rafraîchissantes.

  2. Didier Mendelsohn dit :

    Vous faites bien cher Monsieur Dortier! S’asseoir à une terrasse commander un café, regardez les passants, ou juste le temps. Etre-là. Se distraire ou simplement, dans un monde qui n’a rien de rafraichissant – quoi qu’aujourd’hui!-distraire (du lat. distrahere, tirer en divers sens) de quoi se donner l’énergie et des pensées positives. Alors oui, un éloge de la distraction ( à le pas confondre avec la dispersion)serait le bienvenu.

  3. chapouthier dit :

    Le cerveau en alerte et l’habituation sont des mécanismes opposés. Comme quoi, parfois, des causes opposées produisent les mêmes effets !

  4. Jane dit :

    Bonne nuit donc, mais avant de me disperser dans le sommeil et ses rêves, n’avez-vous pas oublié la cause spontanée la plus agaçante car fréquente mais la plus indispensable : le besoin d’aide, exemple aujourd’hui, dans l’emploi des l’informatique, où l’apprentissage, les configurations et les téléchargements de mises à jour ou de nouveaux logiciels doivent être signalés aux usagers des réseaux, sinon ils ne peuvent pas trier les fenêtres sollicitant une action : lesquelles sont utiles ? lesquelles sont dangereuses ?… et ils s’affoleront et perturberont les autres !

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