La carapace du scarabée

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Le 10 novembre 2010 par Jean-François Dortier

« Quand j’étais petit, je voulais être étoile filante, et ensuite, océanographe, et ensuite, ingénieur biomécanique, et maintenant professeur d’Université.

Je veux dire : maintenant j’ai tellement l’impression d’u déclin, là. Cela ne peut pas être ça la vie, papa. »

Wajdi Mouawad, Ciels, (2008).

J’ai découvert, Wajdi Mouawad à  partir de ces deux petites phrases, mises en exergue du livre de Patrick Boucheron Faire profession d’historien (Presses de la Sorbonne).

Qui est ce Wajdi Mouawad qui sait décocher de telles flèches littéraires ? Quelques clics sur le Web plus tard, j’avais trouvé sa bio (né en 1968, libanais immigré au Canada, auteur de pièces de théâtre et metteur en scène, très primé). Puis j’ai jeté un coup d’œil sur son site.

Et là, en entrée ce texte choc. Je vous laisse découvrir :

« Le scarabée est un insecte qui se nourrit des excréments d’animaux autrement plus gros que lui. Les intestins de ces animaux ont cru tirer tout ce qu’il y avait à tirer de la nourriture ingurgitée par l’animal. Pourtant, le scarabée trouve, à l’intérieur de ce qui a été rejeté, la nourriture nécessaire à sa survie grâce à un système intestinal dont la précision, la finesse et une incroyable sensibilité surpassent celles de n’importe quel mammifère. De ces excréments dont il se nourrit, le scarabée tire la substance appropriée à la production de cette carapace si magnifique qu’on lui connaît et qui émeut notre regard : le vert jade du scarabée de Chine, le rouge pourpre du scarabée d’Afrique, le noir de jais du scarabée d’Europe et le trésor du scarabée d’or, mythique entre tous, introuvable, mystère des mystères. 
Un artiste est un scarabée qui trouve, dans les excréments mêmes de la société, les aliments nécessaires pour produire les œuvres qui fascinent et bouleversent ses semblables. L’artiste, tel un scarabée, se nourrit de la merde du monde pour lequel il œuvre, et de cette nourriture abjecte il parvient, parfois, à faire jaillir la beauté.

W.M. »


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