Lectures d’été : Histoires de femmes

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Le 31 août 2011 par Jean-François Dortier

Parmi la dizaine de livres que j’ai lu cet été, il y avait trois histoires de femmes : une irlandaise, une russe et une américaine.

On s’est déjà vu quelque part ? de Nuala O’Faolain est l’autobiographie touchante d’une journaliste irlandaise, née en 1940. «  Je suis née dans un Dublin qui ressemblait beaucoup plus à une ville d’une autre siècle qu’à la ville d’aujourd’hui. Nous étions neuf enfants …» Nuala a beaucoup lu, beaucoup bu aussi. Elle s’en est finalement pas mal sortie malgré ses dérives successives.

« Dans ma vie quotidienne, bien réelle, l’idéalisme était pourtant assez destructeur. Il se manifestait comme une nostalgie ou comme un rêve de quelque chose de meilleur et même de différent – quelque chose de plus passionnant – que les meilleurs choses qui m’arrivaient en réalité. »

Just Kids de Patti Smith, l’hégérie de la scène punk est un autre coup de cœur de l’été. Comme Nuala, Patti est issue d’un milieu pauvre et bohème. Comme Nuala, la lecture l’a envoutée très tôt. Toutes les deux ont ensuite été portées par leur rêve d’artiste ou d’écrivain qui s’être révèle être une force motrice extraordinaire.

Quand elle a 20 ans, Patti Smith, qui végète alors dans une petite ville à côté de Philadelphie a soif de liberté, de création, soif de vivre une vie d’artiste : son projet est plus fort que la faim, le confort, la tranquillité et les conseils de ses parents.

Un jour, le père offrit à ses enfants une visite du musée des Beaux-arts de Philadelphie. Ce fut tout une expédition : emmener quatre enfants en bus sur un long trajet était coûteux et fatigant. Mais cette sortie exceptionnelle allait marquer la fillette à jamais. « J’ai senti une sorte d’identification physique avec les longs et langoureux Modigliani, (…) j’ai été éblouie par la lumière que semblaient dispenser les tableaux impressionnistes. » Mais c’est la salle consacrée à Picasso, qui la bouleversée vraiment : « Son assurance brutale m’a coupé le souffle. »

En redescendant les escaliers pour sortir du musée, la petite fille est déjà une autre personne. «  Ma mère s’affairait à rassembler mon frère et mes sœurs, qui faisaient les glissades sur le marbre lisse. Je suis certaine que lorsque nous avons descendu le grand escalier, l’un derrière l’autre, j’était en apparence la même qu’a l’accoutumée : une gamine de douze ans toute en bras et en jambes qui se traînait derrière les autres. Mais secrètement, je savais que j’avais été transformée, bouleversée par la révélation que les êtres humains créent de l’art et qu’être artiste, c’est voir ce que les autres ne peuvent voir ».

La troisième biographe de femme est celle Nina Berberova :  » C’est moi qui souligne ». Nina est aussi une petite fille qui aussi découvre tôt la lecture comme une révélation. « Je rentrai à la maison en courant. J’avais besoin de me retrouver seule (…). Je sentais de nouvelles perspectives s’ouvrir devant moi, un horizon nouveau d’idées et de significations ». Le monde des gens qui l’entoure l’ennui assez vite. Mais à la différence de Nuala ou Patti, Nina Berberova est issue d’un tout autre monde : celui de l’aristocratie russe du début de siècle. Elle vit entourée d’une élite politique, d’intellectuels et d’artistes, un monde haut en couleur mais qui fini par l’ennuyer : « Peu à peu je compris que les gens normaux étaient infiniment plus intéressant que les « originaux », qui en fin de compte ne sont pas si libres que ça et dont les conflits avec l’environnement sont souvent stéréotypés » (p. 119).

Elle aussi va se réfugier dans les livres pour s’évader : «  Je replongeai, avec une secrète délectation, dans l’autre dimension ».


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