Notre petite voix intérieure

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Le 25 septembre 2010 par Jean-François Dortier

Capture d’écran 2010-09-22 à 19.13.25

« Voix intérieure et contrôle de soi

Qui ne s’est pas surpris à s’entendre dire en silence : « Calme-toi », « Allez, du courage ! », « Non, ne fais pas ça »… Cette petite voix intérieure, nous la connaissons tous. Elle intervient souvent dans les moments stratégiques où l’on doit absolument se contrôler pour affronter une situation délicate, et maîtriser ses propres pulsions. Le coureur de fond connaît bien ce phénomène. Quand le corps est épuisé et voudrait s’arrêter, cette voix intérieure nous aide : « Allez, encore un kilomètre, allez jusqu’au virage… »
Alexa Tullett, doctorante en psychologie, et le professeur Michael Inzlicht, de l’université de Toronto, ont mis au point des expériences pour mesurer l’effet de la voix intérieure sur le self-control. Dans un de ces expériences, des personnes sont invitées à appuyer sur un bouton quand un symbole particulier apparaît sur un écran. Mais il doivent réfréner leur envie d’appuyer si un autre symbole apparaît. En effet, le test est fait de telle manière que le symbole qui déclenche l’action est beaucoup plus fréquent que les autres, de sorte que le fait d’appuyer sur le bouton devient rapidement une réponse impulsive. Si on invite les personnes à répéter intérieurement un mot pendant l’exercice, ce qui a pour effet de « bloquer » leur voix intérieure, alors leur performance à l’exercice se dégrade.
A l’aide d’autre expériences du même genre, les chercheurs en concluent que les gens agissent de façon plus impulsive quand il ne peuvent avoir recours à leur « voix intérieure ». « Si nous ne sommes pas capable de verbaliser des messages intérieurs, alors nous perdons une partie de notre self-control », résume Michael Inzlicht.
Alexa M. Tullett, et Michaiel, Inzlichet (2010). The voice of self-control: Blocking the inner voice increases impulsive responding, Acta Psychologica, sous presse »

Qui parle ?

Sous le masque d’Ingrid Capuçon (un nouveau pseudonyme), j’ai rédigé la petite brêve ci- dessus pour le Cercle psy. D’où vient cette petite voix bien connue de chacun d’entre nous ?
Qui est-elle ? Aucun doute : c’est bien moi qui parle, qui me parle à moi même. Mais pourquoi se parler à soi même ? Y aurait-il a l’intérieur de moi deux personnages : l’un qui parle et un autre qui écoute ? L’écrivain japonais Murakami, qui, quand il n’écrit pas, s’entraîne pour le marathon, raconte comment fonctionne pour lui ce dialogue intérieur entre lui et son corps dans son Portrait de l’auteur en coureur de fond.

La première difficulté est de bien définir ce qu’est cette parole intérieure. Une définition restreinte la limite aux messages que l’on s’envoie à soi-même, pour se stimuler et s’encourager, durant certaines épreuves. Steven Callahan en a fait l’expérience lors de son naufrage en 1982. Le navigateur solitaire a eu recourt à la petite voix pour lutter contre la panique durant le naufrage, au milieu de la nuit; puis pour se tenir compagnie, pendant les 76 longues journées de solitude et de désespoir, lorsqu’il dérivait seul sur son bateau. (Voir Comment survivre seul en mer).

En tant qu’elle est un recourt durant les épreuves exigeant volonté et contrôle de soi, la « petite voix » intéresse justement les psychologues du sport et les spécialistes du développement personnel. Elle apparaît ainsi chez les anglo-saxons sous le nom de « self talk », « inner voice », « inner speech » ou encore « internal monologue ».

De ce point de vue, elle peut être rattachée  l’auto-suggestion et même à la « méthode Coué », pas si stupide que cela et que l’on réhabilite aujourd’hui (voir ici)

Dans un sens plus large, la « petite voix » désigne tout monologue intérieur : pas simplement la voie qui nous encourager dans les épreuves, mais aussi cette parole silencieuse que l’on se surprend à entendre quand on réfléchi, où quand on poursuit en solitaire une discussion commencée plus tôt avec un ami ou un collègue. Cela vous est déjà arrivé, non ? Je suis dans la cuisine en train de préparer le repas du soir, je pense avec intensité à ma conférence que je dois faire demain, ou à une dispute avec machin, etc. et je me surprends en train de « parler tout bas », à remuer les lèvres et même à murmurant.

La « petite voix intérieure » a été étudiée aussi par les philosophes. Elle y a même, semble-t-il une longue tradition dans la philosophie antique et médiévale. Les philosophes antiques avaient bien perçu l’existence de ce « langage interne », repris et décrit par les penseurs médiévaux à travers la distinction en trois discours (orationes) : écrit, oral et « mental ». (voir C. Panaccio, Le Discours intérieur. De Platon à Guillaume d’Ockham, Seuil, 1999)

Mais le débat philosophique sur sa nature de la parole intérieure, les a embarqué dans des spéculations sans fin. Faut-il entendre par  « parole intérieure », les « pensées intérieures » s’exprimant sous forme de langage à l’intérieur de soi.  Cela signifierait alors que toute pensée est langage. Penser, ce n’est rien d’autre que de « parler intérieurement ». Et que ce que l’on croit être des idées personnelles ne serait que le produit d’une intériorisation des idées qui circulent dans le monde. Faut-il considérer  au contraire la « parole intérieure » comme une pensée qui précède le langage. Une pensée faite d’images et de mots que l’on médite en soi et donc la parole n’est que la manifestation extérieure ? Dans un cas, la parole intérieur n’est que l’écho du monde qui raisonne dans ma tête. Dans l’autre, les mots que l’on prononce quand on parle, ne sont que le sommet d’une iceberg dont la parole intérieur est la partie immergée : la plus importante.

L. Wittgenstein a cru mettre un terme à toute ses spéculations en répudiant et assassinant la « petite voix ». Pour le philosophie anglais, toujours cassant et ombrageux, l’intérriorité, la subjectivité, les pensées intérieures, tout cela n’est que foutaise ! En terme technique, on dit que pour  le philosophe anglais, le « langage privé » n’est qu’une illusion. Marleau-Ponty dit la même chose dans Phénoménologie de la perception.  Je crois qu’ils ont tort.

Pour écouter la voix intérieur des autres: ce qui est normalement impossible, il faut se tourner vers les écrivains.  Mieux que les psychologues ils ont  su révéler l’importance de la « voix intérieure ». De James Joyce à David Lodge, la petite voix traduit toutes nos pensées intimes, ces petites cogitations personnelles qu’on rumine en silence, du matin au soir. Ces pensées secrêtes, non dites, parce que peut avouable, ou trop furtives, trop banales,  trop vagues. (Si vous voulez un échantillon alors voir :  Bienvenu dans mon cerveau, les romans de la vie intérieure).

Un psychologue et philosophe français complètement oublié : un certain Victor Egger (1848-1909) a publié en 1881  La parole intérieure : essai de psychologie descriptive, où il entreprend de montrer l’existence et décrire l’existence de la petit voix invisible qui cause parfois en nous. Je vais vous en reparler.

En attendant j’aimerais avoir votre avis. Est ce que vous aussi vous entendez régulièrement la petite voix intérieure ? Dans des circonstances particulières ?


9 commentaires »

  1. Thamis. dit :

    Bonjour.

    J’ai 50 ans, voila 9 ans (2003) que cette petite voix est apparue dans mon esprit.
    Pour mon pire cauchemard…
    J’ai réussi a la mettre au placard pendant plus d’un an mais j’ai du la ressortir il y a quelques mois suite a une plongée dépressive très grave.
    Mais parfois elle me donne de bon tuyaux et m’occupe la journée durant.
    Ces crétins de psychiatres m’on mis dans la case psychotique vu que celle ci s’est couplée a des hallucinations visuelles.
    Et pour couronner le tout j’ai trop mangé de bible.
    Je vous dit pas le mélange…
    Je suis proche de tout perdre, famille avec divorce, emploi, maison, vie etc…
    Elle m’épuise.
    Du coup j’épuise les autres.
    Ceci dit pour la survie c’est l’idéal.

    Merci pour votre page très intéressante.

  2. FreddyLuxe dit :

    Bonjour, je suis content de lire ce blog car je me suis longuement demandé ce qu’est cette voix que j’entends depuis ma tendre enfance. En fait, ce n’est pas une voix mais bien MA voix. C’est la réflexion de toutes mes pensées.

    Je penses aussi en image, ce qu’on appelle être dans la lune, alors je fais comme un rêve éveillé me projetant des images et du son en tête.

    Mais toutes mes pensées sont toutes au moins du son que j’entends dans ma tête. Par-contre c’est moi qui décide ce qui se dit dans ma tête. C’est dur à expliquer l’article ci-dessus l’explique 100X mieux.

    Je ne comprends pas le commentaire au dessus de moi, comment avoir vécu près de 50ans sans avoir pensé ou réfléchi? Dès qu’on entame une réflexion mentale on entends systématiquement notre « petite voix intérieur » contrôlée par nos pensées qui elles sont contrôlées par nous.

    Avant de tomber sur ce blog j’ai lu des forums et des gens disaient que cette petite voix contrôle leur faits et gestes voir même leur vie. Comment ce phénomène peut-t-il exister si nous contrôlons nous-même cette petite voix?

    Peut-être que certaines personnes ne savent pas l’utiliser et croient qu’ils n’ont pas le pouvoir de la contrôler. Chose sûr, ce n’est pas quelques médicaments qui vont régler le problème.

    J’aimerais avoir de plus ample informations sur le phénomène de la petite voix:

    -Qu’est-ce qui fait qu’on s’entend penser?
    -Quelle partie du cerveau rend ce phénomène possible?
    -Et encore plus loin, qu’est-ce qui projette les images et les sons dans notre tête?

    Si un son est une vibration, comment puis-je m’entendre penser alors que mon cerveau ne vibre pas?

    Merci

  3. FreddyLuxe dit :

    … Ou peut-être que lorsqu’on pense, une partie du cerveau envoie des signaux (vibrations) et que c’est de ces vibrations qu’on peux entendre des sons? J’en ai aucune idée.

    J’adorerais avoir une suite à mon commentaire voir même des liens menant à des sites contenant plus d’informations.

    Merci

  4. marie dit :

    Bonjour,

    J’ai mon autre moi bavard qui m’accompagne depuis fort longtemps.
    C’est celui qui critique négativement certaines de mes initiations spirituels ou ésotériques , toujours en contradiction, en moquerie.
    J’ai estimé qu’il me représentait l’aspect négatif de chaque pensée, m’aidant à saisir toute l’unité d’une pensée. Et puis certaines fois, ce bavard semble distiller ainsi toute peur ou appréhension que je peux avoir sur mes capacités à comprendre pleinement une nouveauté.
    Enfin, d’autre fois , cette petite voix est rassurante ou affirmative sur des sensations vécues , mais cette fois elle se situe sur un champ vibratoire différent, plus ancré en moi.
    Aussi avons nous différentes petites voies qui osent nous provoquer sur notre auto dérision , pour s’éveiller davantage à soi et donc aux autres …

  5. bruno dit :

    Il s’agirait de l’une des facettes possibles que peut revêtir l’interface entre le « moi inconscient » (partie de notre esprit dont on a pas conscience)et le « moi conscient » (partie de notre esprit dont on a conscience). Le subconscient, trop souvent représenté malheureusement par la partie personnelle de l’inconscient (l’inconscient freudien et le fameux « ça » négatif) communique via le filtre du surmoi ( le plus souvent judéo-chrétien et moraliste « bien-mal »). Le surmoi juge du bien fondé moral de la « petite voix » et de la possibilité de porter à la connaissance du « moi conscient » des pensées profondes, des croyances issues du « moi inconscient ». Dans ce cas, la petite voix peut être culpabilisante, castratrice parfois et pleine de jugements. Mais l’inconscient renferme aussi un autre « ça » bien plus positif, lui, un pulsionnel aux vertus thérapeutiques, pour certains. Dans ce cas, la « petite voix » est porteuse de « bons conseils », elle peut devenir un guide voire permettre ce que l’on pourrait nommer l’intuition, le bon ressenti, etc. Quoiqu’il en soit, mon « moi inconscient » se permet un petit dialogue avec son alter égo « conscient » … un dialogue intérieur qui peut être exploité par la pratique de la méditation dite de pleine conscience ou mindfullness pour peu que ce dialogue soit accueilli sans jugement et avec distanciation. Une pensée, une croyance ne vaut que par ce que nous nous auto persuadons qu’elle est … elle ne vit que le temps qu’on lui donne vie MAIS à condition de savoir qu’elle nous habite voire nous anime inconsciemment. Il faut donc favoriser ce dialogue intérieur, dans la mesure où il n’est pas pathologique et perturbant outre mesure. Il s’agirait donc bien de la voix off du film de sa vie (pour les « freudiens » et les « lacaniens » mais plus encore pour les « transpersonnels » et les amateurs de la psychologie positive) ..

  6. Marco dit :

    Je lis avec beaucoup d attention vos messages, et si vos le permettez, et, pour être sûr de bien comprendre je vais vous exposer un morceau de ma vie.
    Ma compagne et moi vivions heureux, jusqu’à y il a 1 mois, elle m annonça qu elle me m aimait plus. Je le vie très mal, en fait c est sa voix intérieur qu,il lui dit c’est plus possible, je dois rompre. Et donc à ce jour on est chacun chez sois elle vit bien semblé t il et moi c est la misère elle me manque.
    Je ne sais pas si mes propos peuvent avoir une raisonnance ici mais je suis à l écoute.
    Salutations

  7. Gagner argent en Bourse dit :

    Un excellent moment passe a vous lire, merci bien pour cette bonne lecture.

  8. De Glas dit :

    Cette petite voix surgit plus ou moins subitement avec l’accélération de la conscience. Le moi ( mercure symbolique ) confronté au ça ( vénus symbolique ) et au surmoi ( mars symbolique ) : connait alors un dédoublement avec le développement du soi ( jupiter, saturne, uranus et neptune symbolique ). Voilà ma vision astro-hippocratique des transferts psychologiques. Peut être trouvera t-on un jour une explication matérialiste à cette réalité qui peut être plaisante ou souffrante.

  9. van dit :

    La plus part des voix est notre voix ,mais plus rarement une voix que est extérieure ,elle est très souvent de personne vivant dans un univers parallèle et invisible pour nous ,mais
    eux nous voie, entende ,et plus rarement viennent dans notre
    monde ,ce qui n’est arrivé cela est très marquant quant ils
    disparaisses ;cela n’est arrivé a divers reprise ,ils sont
    de très supérieur a nous et nous aides ;j’ai été aider a résoudre des cas que je ne maitrisait pas du tout.

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