Se pencher sur son passé

0

Le 16 janvier 2011 par Jean-François Dortier

Les humains peuvent voyager dans le temps. Du moins en pensée. Il leur est possible de se remémorer des moments vécus, ou possible de se projeter dans le futur. Inutile de se prendre pour un Jules Verne du XXIe siècle : imaginer le futur est une chose très courante que l’on fait quand on pense au repas du soir, qu’on se prépare à une rencontre importante, qu’on planifie son travail, etc. Depuis quelque temps, les psychologues ont progressé dans l’étude de cette aptitude à l’anticipation. On a vu que les mécanismes psychologiques du souvenir et de l’anticipation étaient en partie les mêmes : on imagine le futur en s’appuyant sur les blocs de mémoire (1). Autre découverte récente : on a longtemps cru que l’anticipation était une spécificité humaine. Mais on vient de voir que certains chimpanzés était capables de ruminer une activité plusieurs heures à l’avance (2).
De nouvelles études viennent enrichir ce champ de recherches en plein essor. Des chercheurs ont montré que le « voyage mental » dans le temps active les systèmes sensorimoteurs liés à la perception de l’espace. Comme dans la relativité d’Einstein, l’espace et le temps ne seraient pas psychologiquement indépendants. Une équipe de l’université d’Aberdeen (Ecosse) a mené une étude en laboratoire pour mesurer ce lien entre temps et mouvement. (3) Des participants volontaires sont debout et équipés avec un capteur de mouvement ; au bout de quelques minutes, quand on reste debout et jambes serrées, notre corps se met à se balancer légèrement d’avant en arrière. On demande alors à nos cobayes de se souvenir de scènes passées ou de se projeter dans le futur. Les chercheurs découvrent alors que lorsqu’une personne se plonge dans son passé, le centre de gravité de son corps se déplace légèrement vers l’arrière. Quand l’individu imagine le futur, le léger balancement va plutôt vers l’avant. Ce balancement correspondrait à une direction du temps tel que le perçoit le corps. Cela correspond parfaitement à la métaphore courante qui nous fait placer l’avenir à l’avant et le passé à l’arrière sur une flèche du temps. Cette recherche suggère donc que notre représentation du temps n’est pas indépendante de celle de l’espace. Et que la métaphore qui nous fait penser le temps en terme de « flèche » du temps est profondément incorporée dans notre système de représentations. Voilà une illustration des expériences menées actuellement sur  la « cognition incarnée ». « l’inscription corporelle de l’esprit », c’est-à-dire la façon dont nos idées les plus abstraites sont ancrées dans nos têtes sous des formes très concrètes, d’images, de formes ou de mouvements.
Ce qui me gène dans cette recherche, c’est que ses conclusions sont assez contre intuitives. J’ai le sentiment que lorsqu’on pense au passé, on a tendance à baisser la tête (et donc se pencher en avant). N’y a -t-il pas d’ailleurs un expression qui dit « se pencher sur son passé »? Inversement quand on pense à l’avenir, il me semble que l’on a tendance à lever la tête et les yeux vers le haut. (et donc déplacer vers l’arrière).
Et vous, que ressentez vous ?
(1)« Se souvenir pour anticiper », entretien avec M. Van der Linden, Sciences Humaines, n° 177, décembre 2006
(2) « L’anticipation chez les animaux », Jean-François Dortier
(3) Lynden K. Miles, Louise K. Nind and C. Neil Macrae (2010). Moving Through Time. Psychological science,

0 commentaire »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *