la couleur de la peau existe. Parlons-en !
1Le 22 avril 2017 par Jean-François Dortier
Dans le dernier numéro de Sciences Humaines, consacré au racisme, je signe cet éditorial sur une question taboue.
« Je ne voudrais pas être noire, mais je suis obligée ! » C’est l’histoire d’une fillette de 11 ans qui pleure à cause de la couleur de sa peau. La scène se passe dans une colonie de vacances où la petite fille a fait cette confidence à son éducatrice, qui me l’a rapportée. Cette enfant n’était pas rejetée par le groupe ; elle y avait des amies, mais il serait vain d’ignorer cette évidence : la couleur de la peau, quoi qu’on en dise, vous colle à peau. Et la bienveillance des uns n’efface pas le regard de ceux qui en ont moins. Toute peau a une couleur, et c’est une illusion de faire comme si cela n’avait aucune importance. Les scientifiques ont abandonné la notion de race, qui sous couvert de classification des populations a souvent conduit à une hiérarchie des populations, faisant le lit du racisme. Il reste que les différences physiques apparentes demeurent et que tout le monde sait reconnaître un Blanc, un Noir ou un Asiatique.
Nier ces différences physiques apparentes, aux motifs qu’elles feraient le jeu du racisme, c’est laisser dans l’inconnu une question qui mérite d’avoir une réponse : pourquoi y a-t-il des couleurs de peau, des morphologies différentes entre populations ? La réponse à ces questions permet d’ailleurs de révéler un trait majeur de l’évolution que les scientifiques ont découvert récemment : les différences biologiques sont aussi l’effet de différences culturelles. La couleur de la peau, par exemple, s’explique par une cause simple et unique : la présence d’un pigment, la mélanine, dans les cellules de l’épiderme. Dans les populations humaines, la gradation du teint (plus ou moins clair ou foncé) varie en fonction de la latitude. Plus on va vers les pôles, plus le teint s’éclaircit en raison d’une moindre concentration de rayons UV. C’est la raison pour laquelle non seulement les populations d’Afrique subsaharienne mais aussi d’Inde du Sud, ou les Aborigènes d’Australie ont la peau noire. Ces populations ne sont pas proches génétiquement : la couleur de leur peau, foncée, n’a évidemment rien à voir avec leur intelligence ou leur caractère. En revanche, cette différence due au départ à la sélection naturelle va jouer un rôle considérable sur les rapports humains.
Car si la géographie a produit sur le long terme des différences physiques entre les populations en raison de la sélection naturelle, un brassage génétique et culturel des populations aurait eu tôt fait d’effacer ces différences et de produire des populations métissées de plus en plus homogènes. Mais si les différences de couleurs se maintiennent dans une même société, un même pays, un même milieu, c’est en raison de frontières sociales et culturelles, et non géographiques. Depuis peu, il est admis par les spécialistes de la génétique des populations qu’une sélection culturelle, fondée sur des facteurs religieux, sociaux et communautaires, contribue à maintenir les différences physiques entre populations. Dit clairement : le refus de se marier entre membres de classes, de castes ou de religions différentes est propice à la reproduction des différences physiques. D’où des différences de taille, de morphologie, de faciès, de couleur de peau qui se maintiennent bien au-delà des contraintes géographiques. Expliquer les différences physiques n’est pas faire le jeu des racistes ou tomber dans un quelconque déterminisme biologique, c’est au contraire mettre en lumière un mécanisme fondamental, de nature culturelle, qui contribue à reproduire les différences biologiques bien au-delà de ce que la nature impose.
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Catégorie Bazar
Il est amusant de constater qu’en Europe on préfère en général les peaux brunies et que beaucoup cherchent à bronzer, alors qu’en Extrême-Orient on préfère les peaux pâles et que les femmes prennent de ombrelles pour éviter de brunir au soleil !