Comment accoucher de ses parents

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Le 30 septembre 2011 par Jean-François Dortier

« J’ai un copain qui a coutume de demander : tu as plutôt mal à papa ou mal à maman ? » Ainsi débute le témoignage de Samuel Castro, fils de l’ex-révolutionnaire soixante-huitard Roland Castro, qui  racontait sa jeunesse à Virginie Linhart. Dans Le jour où mon père s’est tu, Virginie Linhart, mène une enquête pour savoir ce que sont devenus les enfants des dirigeants gauchistes de 1968. Elle-même est hantée par l’histoire de son père.  « Je suis la fille de Robert Linhart, fondateur du mouvement maoïste en France. Mon père est une figure marquante des années 1968. Mais, depuis 1981, après une tentative de suicide, il a choisi de se taire définitivement ». Bien qu’encore vivant, Robert Linhart s’est réfugié dans le mutisme complet. Alors Virginie a enquêté auprès de ses amis et des proches.

Nombre d’enfants sont hantés par l’histoire de leurs parents et décident, l’âge venu, d’entreprendre de les redécouvrir.

Cela donne lieu à des romans vrais. Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine le Vigan est l’un des succès de cette rentrée littéraire. Elle détrône même dans le cœur des lecteurs Tuer le père d’Amélie Nothomb (un autre règlement de compte filial). Delphine le Vigan a reconstitué la vie de sa maman Lucile, née en 1946, dans une famille de neuf enfants. Une vie marqué par les drames : un « père nocif, destructeur et humiliant », trois de ses frères et sœurs morts dans des accidents, un frère né trisomique. Devenu mère, de deux filles, dont l’auteur, Lucile est toujours restée angoissée, tourmentée et maniaco-dépressive. Elle finira par se suicider en 2008.

Cette année là, Eric Fottorino, romancier, ex-patron du monde, avait publié l’histoire de son père adoptif, qui venait lui aussi de mettre fin à ces jours.  L’Homme qui m’aimait tout bas (rééedition poche 2010) est un récit très touchant sur celui qui, bien que n’était que son beau-père avait élevé et aimé le petit Eric comme un vrai fils. Deux ans plus tard, Eric Fottorino a repris la plume pour publier Question à mon père (Gallimard 2010) consacré cette fois à son « vrai père », c’est-à-dire son père biologique qu’il a retrouvé. Cette homme s’appelle Maurice Maman. Oui « Maman » est bien le patronyme de son père biologique ! Ça ne s’invente pas… Et Maurice Maman a consacré sa vie professionnelle à aider les femmes à accoucher: il était médecin obsétricien.

On pourrait citer des centaines d’autobiographie – il faudrait dire des « parento-biographies » – consacrées à solder ses comptes d’amour ou de haine, avec ses parents. Les Rêves de mon père de Barak Obama est un vrai livre d’écrivain, juste et profondément humain. Tout comme La légende de nos pères de Sorj Chalandon qui vient de paraitre en poche.

La vie de famille est curieuse. Les parents font des enfants. Puis les enfants grandissent et c’est à leur tour de porter leur parents en eux. Une des façons de se libérer d’une lourde charge parentale serait donc d’écrire un livre sur papa ou maman. En somme, d’accoucher de ses parents…


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