conseil de lecture
4Le 2 février 2016 par Jean-François Dortier
« Pour un cœur, la vie est une chose simple : il bat aussi longtemps qu’il peut, puis il s’arrête ». Quand on a écrit une ligne comme cela, on a réussi sa journée. Karl Ove Knausgaard (comment retenir un nom pareil !), en en a écrit des milliers d’autres. 6 volumes en tout sous le titre « mon combat » (oui, comme l’autre « mein Kampf », celui de Hitler qui ressort cette année). Ce combat là, est celui d’une vie ordinaire : celle d’un garçon né en 1968 à Oslo, élevé par un père enseignant, une mère infirmière souvent absente de la maison, un frère épanoui. Le petit Karl est un garçon hypersensible et réservé, avec des grandes dents en avant et affublé d’un défaut de prononciation. Son enfance est ordinaire, mais sa façon d’en parler est extraordinaire. Comme personne il se souvent la détresse d’un enfant huit ans qui pleure dans son lit, au comble du désespoir, puis s’endort.
Je suis tombé sur ce livre, hier alors que je flanais dans cette librairie parisienne les guetteurs de vent, (avenue Parmentier, lieu de perdition pour les accros au livre). J’ai eu le malheur de céder à la tentation et de l’acheter (avec le Discours sur les passions de Hume). De retour à l’hôtel, j’ai ouvert La mort d’un père (premier volume de la série) et me voilà me voilà embarqué, absorbé, englouti. Comment faire autre chose quand on tombe sur un livre comme cela ?
Knausgaard n’a pas son pareil pour parler des choses ordinaires. La première partie raconte sa vie d’adolescent: la première cuite avec les copains, la première fois qu’il s’est retrouvé dans la chambre d’une fille, une soirée de nouvel an ratée, son petit groupe de rock sans aucun talent, le divorce de ses parents, etc.
Le récit alterne avec une autre époque de sa vie, quand il se retrouve lui même jeune père; débordé par les tâches ménagères alors qu’il voudrait se consacrer à son grand projet d’écriture.
« J’ai toujours eu besoin d’être seul, il me faut de grandes plages de solitude et quand je ne peux pas en disposer, comme c’est le cas depuis cinq ans, ma frustration peut se transformer en panique ou en agressivité. Et quand ce qui me motive depuis que je suis adulte, à s’avoir l’ambition d’écrire un jour une œuvre unique est menacé, je ne pense qu’à une seule chose, et cette pensée me ronge de l’intérieur comme un rat : il faut que je me sauve, le temps passe, s’échappe comme le sable s’écoule entre mes doigt pendant que moi, qu’est ce que je fais ? Je lave le sol, lave le linge, prépare, le dîner, fais la vaisselle, fais les courses, joue avec les enfants au parc, les déshabille, les baignes, m’occupe d’eux jusqu’à ce qu’il aille au lit, les couche, étends le linge, le plie, le range dans l’armoire. C’est un véritable combat, qui sans être héroïque est absolument inégal. »
Pour ceux qui ont encore le temps de passer quelques heures par semaine à consacrer à cette activité inutile qu’est la lecture je ne saurais trop conseiller K. O. Knausgaard. Pour ceux qui comme moi ont bien d’autres obligations plus urgentes et se sont donnés de bonnes résolutions pour le début d’année, par exemple en murissant en secrets de grands projets d’écriture, n’ouvrez pas ce livre: vous êtes perdus !
Catégorie lectures
Comme cette lecture est étrange ! On prefererai presque le billet au livre 😉 est-ce qu’on réalise bien toutes les dimensions que traduit notre promeneur parisien du 11ème arrondissement dont les vies blessées résonnent en silence? Il faut lire, oui, au moins une heure par jour, avec ou sans musique. toutes affaires cessantes, au hasard du temps perdu, il y en a toujours un qui passe 😉
Hier j’ai pris une heure, dans le réfectoire du collège des Bernardins, « rive gauche » avec Léonor De Recondo, Violoniste, qui signe « pietra viva » collection Grands romans – Point: en deux mots: Michelangelo se laisse renaître pour un jeune orphelin de mère, lors de son séjour à Carrare…
Belles lectures!
Et quand est-ce qu’on aura le « mon combat » Dortier ? En 6 volumes au moins !
C’est un grand bestseller aux Etats-Unis, tu sais.
Le 2 février 2016 par Jean-François Dortier. Bonjour, Pour info, il doit manquer des billes quelque part : « Comme personne il se souvent la détresse d’un enfant huit ans qui pleure dans son lit, au comble du désespoir, puis s’endort. »
Désolé, à propos des billes manquantes que j’évoquais, je n’avais pas lu votre rubrique « Qui suis-je ? » dans laquelle vous signalez votre dysorthographie. Cordialement,