Quand notre esprit vagabonde

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Le 1 décembre 2010 par Jean-François Dortier

Très souvent, nous pensons à autre chose que ce que nous sommes en train de faire. On rumine nos problèmes, on planifie l’avenir, on imagine, on se souvient, on divague… Bref, on fait une chose en pensant à une autre; on est ici ici, tout en étant ailleurs. Que l’on soit dans les transports, en train de faire des courses, de regarder la télévision, de boire un café, d’être aux toilettes, sous la douche, au travail, notre esprit vagabonde ; il s’évade et se plonger dans ses rêveries multiples.

Mais comment mesurer ce temps de « décrochage », assez évanescent, mêlé aux activités quotidiennes ? Deux chercheurs de l’université de Harvard ont eu une idée originale pour tenter de saisir au vol les pensées intérieures de milliers d’individus. Pour cela, ils se sont appuyés sur la nouvelle technologie qu’est l’iPhone. Il on crée une application spéciale permettant d’interroger en direct des milliers de volontaires :  2250 ont répondu à l’appel. Ils ont accepté de remplir sur-le-champ des questionnaires pouvant arriver à n’importe quel moment de la journée sur leur téléphone portable. Les questions portaient sur trois thèmes : que faites-vous en ce moment ? A quoi êtes-vous en train de penser ? Ce que vous faites ou pensez vous fait-il plaisir ou non ?

• La moitié du temps l’esprit est ailleurs.

Le premier résultat est le suivant. En moyenne, les gens pensent à autre chose que ce qu’ils sont en train de faire pendant la moitié du temps (exactement 46,9 % du temps). Et quelle que soit l’activité entreprise, la capacité de décrochage est très élevée. Il n’y a qu’un type activité où les gens sont plutôt concentrés sur leur besogne : quand il font l’amour (et encore : cela n’empêche pas de penser parfois à toute autre chose..)

Une autre conclusion importante ressort de cette étude. Les pensées intérieures ne sont pas forcément plaisantes. Au contraire, les données semblent démontrer que le vagabondage mental accompagne plus souvent des préoccupations négatives.
 Et les auteurs de l’étude d’en tirer cette conclusion philosophique : « Plusieurs traditions philosophiques et religieuses enseignent que le bonheur doit être trouvé dans le présent et qu’il faut apprendre à résister à la fuite incessante des pensées pour vivre ici et maintenant », écrivent Matthew A. Killingsworth et Daniel T. Gilbert. « Ces traditions suggèrent qu’un esprit qui vagabonde est un esprit malheureux ». Leur recherche tendrait donc à montrer que cette leçon spirituelle est vraie.

On pourrait rétorquer que le fait de se projeter en pensée hors du présent pour explorer l’avenir, le passé, le possible, fait partie de la condition humaine. Même si cela ne rend pas forcément heureux…

Matthew A. Killingsworth & Daniel T. Gilbert (2010). A Wandering Mind Is an Unhappy Mind. Science, Vol. 330. n°6006


2 commentaires »

  1. admin dit :

    L’homme ne serai donc pas fait pour être heureux…

  2. martha zuber dit :

    Did you know that one of the two subjects of Jon Elster’s latest book is on procrastination? Is not paying attention, procrastination?

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