Et après ? Que restera-t-il de nous ?

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Le 17 janvier 2022 par Jean-François Dortier

Que restera-t-il de moi ?

Mes héritiers devront d’abord se partager « l’héritage » : la maison, les meubles, l’argent sur les comptes. Cela se fera, comme il se doit, devant un notaire.

Il faudra aussi distribuer ces objets qui m’entourent et me sont chers : que va devenir ma bibliothèque ? Mes livres, trop nombreux, seront forcément dispersés. Mes objets fétiches ? Et les bibelots qui ornent mon bureau, ma collection de billes, mes statuettes d’animaux ?

Tout cela finira sans doute dans des cartons, entreposés à la cave ou au grenier : ce purgatoire des objets qui, dans les générations suivantes, finiront à la décharge publique ou, au mieux, sur les étals d’un vide-grenier (ce qui n’est pas si mal).

Mes traces ? Les livres que j’ai écrit, les centaines d’articles publiés dans Sciences Humaines, la collection de L’Humanologue. Je ne nourris pas le mythe de l’œuvre immortelle (Dieu m’en garde !) et je n’ai pas la vanité de féconder l’humanité future de mes idées de génie. Mes écrits seront donc progressivement engloutis sous l’avalanche des livres, articles, mémoires qui s’accumulent dans des bibliothèques numérisées. Elles forment un immense océan de plus en plus étendu et profond. Chaque œuvre (sauf rare exception) y est peu à peu engloutie et rejoint des abysses de plus en plus sombres. Quant à mes carnets de notes et disques durs, ils deviendront vite illisibles : j’ai moi-même du mal à relire mon écriture. Les disquettes informatiques sur lesquelles j’ enregistrais mes premiers textes se sont toutes volatilisées.

Les souvenirs ? Mes parents et grand parents, morts il y a plus de trente ans, continuent de me hanter sous la forme de flashs de pensées. Chacun d’entre nous reçoit régulièrement la visite inopinée d’un père, ou d’une grand-mère, disparus. À mon tour, je vais donc me rappeler au bon souvenir de mes enfants et petits-enfants comme un fantôme furtif. Puis, les générations passant, mon souvenir s’effacera à jamais.

Il ne restera alors que des photos dans des albums et un nom sur des registres d’État civil.

Chacun transmet aussi ses gènes aux générations successives et avec eux quelques ressemblances : un visage, une personnalité. Mélanger à d’autres, ils font partie d’une chaîne de transmission dont on n’a pas toujours conscience.

Le coffret des souvenirs.

Finalement on ne maîtrise pas grand-chose dans cette transmission. Certains écrivent leur testament pour contrôler leur succession. D’autres écrivent leurs mémoires en espérant laisser des traces plus durables de sa vie. Mais écrire ses mémoires est une entreprise difficile réservée à une petite élite.

Je me dis que chacun devrait pouvoir se confectionner un « coffret de souvenirs », une forme de testament différent que celui adressé au notaire. Il contiendrait quelques photos (ou vidéos). Quelque dates clés qui ont jalonné notre vie, (une sorte de CV postmortem), quelques souvenirs marquants, quelques lieux fréquentés, le nom et le visage des êtres aimés. Juste quelques traces. Elles permettraient à ceux qui viendront après de savoir qui furent ceux qui les ont précédés.

N’ayant pas de grandes leçons de vie à transmettre, je me contenterais donc de ce petit coffret à souvenirs.

Et vous ? Que laisserez vous derrière vous ?


12 commentaires »

  1. PAILLIER dit :

    Bonjour Monsieur

    Votre réflexion sur l’après-nous, je la partage complétement. Je trouve très intéressante votre idée.
    Je vous souhaite de la réaliser.
    Cordialement

  2. Kratine dit :

    Que restera-t-il de nous ? C’est drôle cette question j’y pense souvent. Toutes ces photos, ces vêtements d’enfants, ces livres, ah les livres ! Mais il y a des bibliothèques bon sang de bois ! Les disques, les vidéos… Tous ce fourbis déposé par chacun, en couche ou en tas, parce que c’est la maison familiale et qu’on a plaisir à y retrouver un bout d’enfance, un zeste de grands-parents, un brin de passé.
    Que restera-t-il des parfums, des soupirs, des rires, des projets, parfois réalisés ?
    Il y a quelques années j’ai acheté un terrain, juste à côté de la maison. Un grand terrain. Un terrain à rien faire. Pas agricole, pas constructible. Rien. Très déstabilisant ce terrain. Un terrain pour s’asseoir et regarder les oiseaux et les papillons. Un terrain pour que les chevreuils chaque année continuent à venir y déposer leurs petits. Je ne sais d’ailleurs pas si ce sont les mêmes qui reviennent chaque année. Ceux qui ont échappé aux chasseurs, au froid, au dur du dehors. J’ai envie que ce terrain reste un espace à rien. Un îlot de sauvage, de tranquille, de calme. J’y plante des petits arbres recueillis au bord des routes. J’ai envie qu’ils y grandissent et y restent. Alors évidemment, c’est un projet, et, comme tout ceux de sa catégorie il est repoussé au lendemain… Et si demain le ciel me tombe sur la tête, je serai bien avancée ! Donc c’est décidé ! Je vais me pencher sur la question et essayer de ne pas y tomber…

  3. Madeleine dit :

    ☀️ Des rires et des sourires et l’envie de courir !

  4. Caro dit :

    Et après ? Que restera-t-il aux autres ?
    C’est plus important… pour moi.
    Je ne serai plus, donc aucun souci. Par contre c’est depuis toujours que j’essaie de vivre avec les autres mes relations, mes moments d’études, de travail, de loisirs, de repos … qui sont des bonheurs, des peines, des réussites, des échecs assumés.
    Anticiper est presque mon mot préféré depuis des décennies, surtout celles en situation de retraite où j’ai pris conscience qu’à 60 ans, l’entrée en situation de retraite n’était pas celle de l’entée en vieillesse, je pouvais espérer trente, quarante années et plus en bonne santé, autonome, capable de choisir pour participer.
    Il restera aux autres une part des conséquences de mes choix d’aujourd’hui, dont vos travaux que j’aurais pu comprendre et développer. Alors continuez … pour une vie de paix, de bonheur partagé pour ceux d’après demain …
    Amitiés
    Pierre, retraité professionnel, chercheur autodidacte retraite et long vieillissement, apprendre à bien vieilir longtemps.

  5. Naïm-Deen SALAMI dit :

    Que restera t-il après nous? Je réponds tout de suite que c’est ce que nous aurions laissé de fécondant: un enfant qui nous ressemble car l’être humain qui a réussi à se reproduire a déjà fait plus que sa vie.
    Naïm-Deen

  6. Jeannie Kamdem dit :

    Un petit coffret de flashes ? C’est un peu ce que je fais en direction future pour mes proches : les meilleurs clichés des rencontres avec commentaires brefs significatifs des états d’esprit, des impressions fortes. Et dans une mini-cantine toute neuve, d’un brillant satiné attirant et qui se remplit lentement des traces des membres de la famille les plus révélatrices, selon moi ou d’après les étincelles de pensées qui leur échappent parfois, et objets que je possède après que nous ayons entassé au sous-sol de la maison familiale d’innombrables documents et objets que j’ai enfin trié, jeté, donné à des associations caritatives, conservé encore pour moi-même et redistribuer aux demandeurs les plus proches plus.

  7. Riondel dit :

    Bonjour M Dortier,
    Bonjour aux lecteurs ou commentateurs,

    Pourquoi faudrait-il laisser quelque chose ?
    Et si la 1ere politesse était de ne plus vouloir peser sur le monde ?

    Sylvie

  8. Philippe dit :

    Que restera-t-il de moi ? Question lancinante lorsque l’on voit le temps qui passe, nos souvenirs qui s’estompent, la disparition de nos anciens et/ou proches dont il reste peu de chose et rien à l’échelle du temps. Faut-il recourir à la religion et croire à une vie éternelle, impossible, cette idée ayant tant été exploitée et galvaudée par des vivants… Faut-il se dire que notre substance se disperse simplement mais subsiste partout et nous survit? (ubiquité religieuse?) Reportant la question sur la conscience qui s’est éteinte ou partie vers l’âme des croyants ? La SF et la mécanique quantique nous ouvre l’horizon d’un « Tout » mêlant matière et temps, dans lequel se déplacer parait possible? Avoir une existence éternelle figée et immuable si on la regarde depuis la fin ou à vivre et découvrir si on reprend depuis le début ? Vaste réflexion ! N’est-ce pas cette incertitude qui fait de nous des vivants, des hommes ? Imaginons l’éternité, la perfection (à définir), plus rien de ce qui constitue notre quotidien n’aurait de sens! Malgré cela je m’extasie chaque jour devant la beauté de la nature, de la vie des gens, de l’histoire, de la science, conscient malgré tout de l’infime partie que mes sens me permettent de percevoir. Je résumerai par ma maxime : « Un athée croyant à son infime place dans l’univers et le temps » Philippe

  9. jfc dit :

    La loi nous a créé un truc à laisser : cela s’appelle le capital culturel immatériel. C’est nos apports qui vont être utiles aux autres et qu’ils ont donc intérêt à protéger, et que nos successeurs devraient transmettre et utiliser. Ces patrimoines sont donc, en fait, collectifs et vivants par nature (celui qui le constitue, celui qui l’utilise et donc le re-constitue à sa manière). Un exemple maintenant bien connu de capital culturel français inscrit au PCI de l’UNESCO: la baguette de pain. Mais toute recherche personnelle, qui entraîne une « sapience » personnelle (mot utile pour savoirs réfléchis) dans un monde ou prévaut l’anglais qui n’a pas la notion de savoir mais de connaissance (knowledge) et traduit dans l’engagement de Tunis (sommet mondial de l’information https://www.itu.int/net/wsis/docs2/tunis/off/7-fr.html) savoir par « true knowledge », le confondant avec la vérité. C’est l’expression de cette sapience fruit de la maturation de notre « mnème » qui est notre patrimoine immatériel à chacun. Mnème (une notion venue d’Ampère) : ensemble présent des traces du passé qui conditionne nos possibles. Le mnème est aussi entré en partie dans la loi sous l’expression d’exposome : l’accrétion de ce qui s’ajoute à l’influence chromosomique (art. 1 du code de la santé) ; le mnème en inclut la partie immatérielle. C’est aussi de façon plus générale et dynamique le « capax », c’est à dire la capacité d’advenir sans laquelle rien ne peut se faire, surtout lors d’une singularité (topologie de René Thom). Concept d’homo capax de Ricoeur ? Aujourd’hui l’humanologie s’accroit de l’humanistique, la manière dont l’homme construit les outils qui vont techniquement l’adjuver. L’internet n’est pas une révolution (buguée dans son principe d’ailleurs) mais une réponse au besoin d’une anthropobotique pour répondre à la descente en complexité de l’étiologie.

  10. jfc dit :

    J’ajoute qu’il convient alors d’en considérer l’éthique telle qu’actuellement déboguée par l’Unesco : https://ich.unesco.org/fr/thique-et-pci-00866.

  11. dupont dit :

    La réflexion de Riondel, pourquoi faudrait-il laisser quelque chose, m’étonne. Il ne FAUT rien. Nous laissons inévitablement une trace, ne serait-ce qu’un patrimoine génétique. D’ailleurs il me semble plus intéressant de prendre l’affaire dans l’autre sens: on est pris de vertige quand on s’avise qu’on descend, en ligne directe et sans doute possible, d’une infâme macromolécule apparue sur Terre il y a plus de 3 milliards d’années. De même on peut couper court aux débats sur l’héritage et ses inégalités. Le trottoir de ma rue, la police qui me permet de sortir le soir sans danger, la jolie campagne qui m’entoure, l’électricité, l’ordinateur et la médecine qui me permettent d’écrire (encore) et tout le reste, représentent des millénaires de travail humain dont nous somme tous héritiers. Je n’en ai ni l’envie, ni les moyens, mais il serait intéressant de calculer la valeur de cette succession gratuite et de la comparer à celle d’un héritier de LVMH, par exemple. On serait peut-être surpris.

  12. Jean pierre lenoir dit :

    Laisser à mes enf@nts et à ceux oui m’ont connu la légitimité de la paresse que j’affiche dans mon adresse mail en leur précisant à toutes fins utiles que “ lorsque le corps se repose ,l’esprit travaille mieux “. Oblomov,le prince de la paresse la démontré …

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