L’humanologue. Saison 1, épisode 1. « De la vulcanologie à l’humanologie »

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Le 23 novembre 2019 par Jean-François Dortier

J’allais avoir 13 ans. Mon anniversaire approchait et ma pauvre mère était à cours d’idées (et d’argent) pour me faire un cadeau. Pensez ! Avec sept enfants et autant de dates anniversaires… Qu’offrir à ce garçon qui n’était plus un enfant et dont les préoccupations étaient si éloignées des siennes ? Je lui suggérais de m’offrir un livre ; depuis quelques temps, mon frère m’avait transmis le virus de la lecture. Mais comment ma mère aurait-elle pu choisir un bon titre? Personne d’autres que nous ne lisait à la maison. Alors, elle a sorti quelques francs de son porte-monnaie et m’a envoyé choisir moi-même mon cadeau.

A la librairie du coin de la rue (aujourd’hui un magasin de chaussures de sport), j’ai erré un moment entre les rayons avant qu’un titre attire mon regard : « Les rendez-vous du diable ». Un petit livre de la « bibliothèque verte » écrit par le vulcanologue Haroun Tazieff.

Mon choix était fait.

Je me revoie descendre la Grande rue, les yeux rivés sur les schémas des volcans en irruption. Ma conversion fut immédiate. Quand je serais grand, moi aussi, je serai vulcanologue ! Dans mon esprit, cela revenait à être explorateur, savant, écrivain, vulgarisateur. Moi aussi je voyagerai, j’explorerai les entrailles de la terre, je percerai les mystères des volcans et des tremblements de terre.. J’expliquerai le chaos apparent des irruptions volcaniques par des forces cachées. Et j’écrirai des livres pour faire partager ce savoir.

Le temps a passé. J’ai oublié les volcans et Haround Tazieff.  Des sciences de la nature – la physique, les atomes, les planètes et les animaux  -, qui furent mes premières amours savantes, je suis passé aux sciences de l’humain. J’ai conservé l’idée que la nature humaine avait ses lois, ses dynamiques souterraines, ses fractures et ses irruptions soudaines, et qu’on pouvait dégager des raisons cachées derrière le chaos apparent.

J’ai mené des études minutieuses dans toutes les strates de l’être humain, allant jusqu’à m’inventer un métier unique : humanologue. Il m’a fallu remonter aux origines de l’humain, étudier son passé, observer de près le matériau social : l’économie, la politique, la culture ; explorer aussi les méandres de l’esprit : le cerveau, les idées, leur structures et leur histoire. J’ai bourlingué à travers tous les continents des sciences humaines pour espérer un jour recomposer une vision globale.

Dans Sciences Humaines, que j’ai créé il y a bientôt 30 ans, il y avait encore ce rêve de gosse. De vulcanologue, je m’étais converti en « humanologue », mais sans me départir de cette envie de fouiller, d’explorer, de comprendre et d’écrire.

C’est risible et dérisoire, mais un demi-siècle plus tard, je me vois en Haroun Tazieff de l’humaine condition. L’être humain a ceci de commun avec les volcans : ils sont tantôt endormis et tantôt en irruption ; ils sont mus par des forces invisibles ; ils ont leurs forces telluriques qu’il faut deviner sans jamais les voir. Pour tenter de les comprendre,  il faut les observer, les décrire, capitaliser les connaissances acquises, forger des modèles, imaginer des théories, sillonner toutes les allées des savoirs. Et les faire partager.

Depuis quelques mois, je me suis lancé un défi : il consiste coucher sur le papier tout ce que je pense avoir appris, compris et cru découvrir au cours de ces années. Cela prendra la forme d’une publication, « l’Humanologue » (dont j’annonce ici la prochaine parution).

En songeant au « pouvoir des livres », je vois défiler une galerie de titres, d’auteurs et d’œuvres marquantes. Mais je garde pour « Haroun Tazieff et ses « rendez-vous du diable » une place de choix. Comme tout auteur, je rêve bien sûr qu’un jeune lecteur soit ébloui et rêve à son tour : «  Moi aussi, je serais humanologue ! ».


4 commentaires »

  1. Chapouthier dit :

    Moi-même, adolescent, scientifique en herbe, j’ai aussi été très marqué par « Les rendez-vous du diable », le livre et aussi le film.

  2. Madeleine dit :

    Ah ! Le héros de notre jeunesse d’aventures télévisuelles… Si nous étions sages…
    Le feu de la terre… L’INA filme l’Etna d’Haroun Tazieff en 1972 http://www.ina.fr/video/I14114508
    Merci Jean François pour cette inspiration/transmission « fondamentale » 🙂

  3. Damien dit :

    Une éruption est-elle une irruption??

  4. FERNEL-TOISON dit :

    Moi aussi, les volcans d’Haroun, les aventures de Cousteau… Tous ces merveilleux héros de jeunesse qui permettent de faire des découvertes mais aussi montrent qu’il faut pouvoir rêver, s’enthousiasmer pour les beautés autour de nous mais aussi apprendre de ce qui nous entoure et croire en ce qui sera et se faire confiance.
    Longue vie aux sciences humaines, à la science aussi tout court, véhiculées par des personnes et bien sûr bienvenue aux humanologues et à l’humanologie.

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