Michel Houellebecq est-il un plagiaire ?

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Le 10 novembre 2010 par Jean-François Dortier

michel-houellebecqMichel Houellebecq a enfin eu son prix Goncourt pour La Carte et le territoire. C’est l’occasion de revenir sur l’accusation de plagiat dont il a fait l’objet. L’offensive a été lancé par le journaliste Vincent Glade sur le site Slate.fr qui a repéré quelques passages montrant que M. Houellebecq a clairement écrit plusieurs passages de son livre en pillant ici où là à des auteurs anonymes : La possibilité d’un plagiat.

Ainsi, ses descriptions de la mouche domestique ou de la ville de Beauvais sont issus de notices de Wikipédia, à peine remaniées. Sa description d’un commissariat de police est pompée dans une brochure du ministère de l’intérieur. Quand à au descriptif de l’hôtel Carpe diem à Arles, elle est très fortement inspirée d’un guide  « Châteaux et Hôtels » de la région.

M. Houellebecq a répondu ces accusations dans un entretien-vidéo sur le site Bibliobs. Le nouveau lauréat du Concourt se défend en avançant deux arguments (pas très cohérents entre eux d’ailleurs)

– Première argument : Insérer des notices encyclopédiques, des modes d’emploi voire des recettes de cuisine dans un roman  est un procédé littéraire connu. Lautréamont, Borges ou Georges Perec l’ont utilisé avant lui. Sur ce point Houellebecq s’avoue même inférieur à G. Perec en étant obligé de « réécrire » quelque peu ces notices pour l’harmoniser à son texte là où G. Perec réussit la performance d’intégrer un déroulé de partie d’échec ou une notice technique sans retouche. « Mon rêve serait même d’introduire une démonstration mathématique  dans un roman, mais je ne crois pas que ce soit possible » ajoute-t-il. Cette pratique d’insertion d’extraits de catalogue ou de notices relève donc procédé littéraire que M. Houellebecq appelle le « tissage ». Dont acte.

– Un peu plus loin M. Houellebecq avance un autre argument, quelque peu étrange, en regard du premier. Il affirme qu’il arrive assez bien à écrire en imitant le style des notices (comme une brochure touristique ou un mode d’emploi). Il laisse donc entendre qu’il aurait rédigé lui même des notices. Or copier Wikipédia sans le dire ou faire œuvre de création littéraire en écrivant « à la façon Wikipédia », ce n’est quand même pas pareil.

Dans les coulisses de la création.

Qu’importe. Cette petite polémique est l’occasion de revenir sur les liens entre plagiat et création. Osons le dire : Le plagiat fait partie intégrante de la création artistique et intellectuelle. On peut même soutenir que copier, recopier et transformer est un processus fondamental de toute création. Je m’explique.

– Qu’est ce que le plagiat ? Le fait de recopier tout ou partie d’une oeuvre en dissimulant son auteur et signer à sa place. La transformation du texte originale peut-être plus ou moins importante. De très nombreux auteurs, plus ou moins prestigieux ont ainsi été pris « la main dans le sac ». La Fontaine, Molière, Diderot, Voltaire, Stendhal et Alexandre Dumas, le nombre d’écrivains ayant été pris la main dans le sac pour avoir pillé une formule ou parfois un peu plus… est impressionnant. A l’époque romaine déjà, un certain Martial, poète de son état, accusa un autre poète d’avoir volé ses vers. Il utilisa pour la première fois le mot plagiarius pour désigner ce forfait. Parmi les cas les plus « piquants » contemporains, figurent quelques noms bien connus de notre petite république des lettres comme ceux de Jacques Attali ou Alain Minc.

Mais laissons de côté le côté moral ou juridique de l’affaire pour s’intéresser à l’acte de création. L’opposition entre quelques vilains tricheurs et les auteurs honnêtes est trop simple et caricaturale : car la plupart des œuvres intellectuelles sont faites « d’emprunt », plus ou moins avoués et oscillent entre le « plagiat » et l’appropriation. Une appropriation qui relève de l’intégration dans son oeuvre d’éléments plus ou moins vaste ou plus ou moins cachés.

Pour comprendre cela, prenons un exemple courant : celui de l’étudiant qui rédige un devoir. Le plagiat consiste à recopier tel quel en le réécrivant tout ou partie d’un texte pioché sur Internet. Mais comment procède l’étudiant « honnête » ? Supposons qu’il doive rédiger le commentaire d’une pièce de Shakespeare ou un mémoire sur un homme politique du 19ème siècle. Pour cela, l’étudiant va devoir contextualiser son sujet : présenter l’auteur, le contexte, l’époque, etc. Et pour cela, il lui faut ouvrir des livres d’histoire et des  encyclopédie, il va alors tomber sur un passage éclairant et lumineux. Et que faire d’autre sinon le recopier, en paraphraser une partie, et, s’il est rigoureux, citer sa sources ?

Cette technique est utilisée par tous les auteurs : qu’ils soient étudiants, professeurs, journalistes ou écrivains. Que l’on écrive un mémoire, un roman, un manuel, une notice encyclopédie, on passe toujours par des phases de copie/recopie/transformation.  Cela relève d’une contrainte incontournable : nul ne peut être spécialiste de tous, nul ne peut tout réinventer. Un roman décrit des lieux et des personnages et des situations réalistes. Et pour décrire un ville, un décor avec soin, le romancier doit se documenter, puiser dans sources diverses – encyclopédies ou parfois des dépliants touristiques.

L’historien qui écrit une biographe de Voltaire doit s’intéresser à la physique de Newton (que Voltaire à introduit en France) ou parler d’une galerie de personnages que Voltaire a eu l’occasion de croiser (Maupertuis par exemple). Comment faire sinon utiliser des sources de seconde ou troisième main ? Et emprunter ici ou là un passage très bien rédigé. Passage qui sera d’abord recopier, puis maquiller et transformer plus ou moins a sa sauce. Le plagiait se produit quand on ne prend pas la peine de changer grand chose, ni de citer sa source. Le pillage survient quand l’auteur, est trop paresseux pour transformer. La vraie création littéraire ou intellectuelle commence quand on est devenu expert dans l’art du compactage, maquillage et appropriation des sources.

Voilà où je veux en venir : la différence entre plagiat et création n’est qu’une question de degré et non de nature. Il n’y a pas d’un côté les auteurs honnêtes et d’autres de sales copieurs. Le processus de copie/recopie/transformation fait partie intégrante de tout acte de création.

Créer ne relève jamais de l’invention pure. Tout création, artistique ou intellectuelle procède par recomposition, modification, emprunt, collage et tissage, synthèse, résumé, retransformation de matériaux déjà existant. Cela est vrai pour la création musicale, picturale, littéraire création comme pour le travail scientifique. Forger du nouveau consiste souvent à remanier de l’ancien.

Créer, c’est recopier en modifiant. La nature aussi procède ainsi pour inventer des formes de vie nouvelles.

Tous les créateurs sont des plagiats à leur manière : plus ou moins conscient conscient, plus ou moins rusé, plus ou moins systématiques.

A lire sur le plagiat.

Les Plagiaires, le Nouveau Dictionnaire, Roland de Chaudenay, Perrin, 2001.

Apologie du plagiat,  Jean-Luc Hennig. Gallimard, 143 p).

Plagiats, les coulisses de l’écriture, Hélène Maurel-Indart, éd. de la Différence, 2007 ;

Du Plagiat, Hélène Maurel-Indart, PUF, 1999.


2 commentaires »

  1. HOUELLEBECQ, ROI DES « CONCIERGES EN REVOLUTION »

    Avec sa tête de pauvre type Houellebecq écrit des livres de pauvres types.

    Auteur d’une littérature minable écrite pour des minables qui l’adulent, cette face d’avorton a la plume rase, le verbe bas, la pensée vile.

    Houellebecq est le chantre des ratés. D’où son formidable succès.

    Dans ses livres il a placé sans complexe le Dupont sur un trône -celui de l’insignifiance mais peu importe, un trône est un trône à ses yeux- revendiquant le droit de faire régner la loi du commun -pour ne pas dire du rien du tout- sur les étagères les plus prisées des bibliothèques. Au nom de son air d’abruti.

    Chez Houellebecq les petits présentés comme des victimes de leur petitesse gagnent toujours du début à la fin : avec lui c’est la revanche des eaux troubles de la sexualité sur l’onde pure de l’esprit, le triomphe de la fosse des sentiments sur la verdure des sommets, la gloire du quotidien inepte sur l’intemporel vol de l’âme, la victoire des êtres médiocres et de leur oeuvres crasseuses sur les neiges éternelles de l’Art.

    L’époque étant comme on le sait à la totale dégénérescence littéraire, Houellebecq est le plus fameux de ses représentants.

    De ce déchet de notre civilisation en pleine dérive culturelle, on a fait une légende vivante.

    Roi des Dupont auxquels il s’adresse, Houellebecq est un produit marketing performant, inusable, réutilisable à chaque rentrée littéraire ! Il suffit juste de changer l’emballage de ses bouquins chaque année. Bref, la gloire des éditeurs. Pardon, des vendeurs de papiers.

    Houellebecq est un phénomène : chacune de ses apparitions télévisées est un événement.

    Dès que passe sur les écrans plats de la France attablée sa tête molle de vieux puceau frustré et libidineux, il fait chavirer le coeur des ménagères monoparentales ménopausées, miroiter des jours encore plus tièdes aux concupiscents concierges constipés, espérer un sirop de bonheur pseudo littéraire toujours plus vil et fade aux minus malades, comme lui, de leur existence de nabot.
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    Complément à l’article
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    Pour rappel, voici ,un extrait de l’interview par Vignale (texte numéro 509) au sujet de la littérature :

    Vignale – Quels sont les auteurs contemporains qui ont vos faveurs littéraires ? Houellebecq vous touche-t-il davantage qu’un Beigbeder, un Zeller ou un Moix ou bien vous ne lisez que les morts ?

    Raphaël Zacharie de IZARRA – Je suis fièrement inculte. Vierge de bien des influences mais non point sans avis. Je connais les titres et les têtes des écrivains actuels, mais guère plus. Rares sont ceux qui ont su me plaire avec leurs mots. Je possède une intuition étrange : je sais reconnaître un auteur de valeur sans ouvrir un seul de ses livres, juste en lisant sur ses traits. Car la Littérature transparaît sans fard sur la face des auteurs dignes de ce nom. Sur leur front, moi je la vois dans sa vérité. La Littérature ne m’échappe pas.

    J’ai l’oeil pour ces choses. Et lorsque je vérifie les écrits de l’auteur ainsi sondé, je constate que je ne me trompe jamais. Celui qui parle en auteur mais qui n’a pas l’éclat de la Littérature entre les deux yeux, je le sais avant même de lire sa première page.

    J’estime sans l’avoir lu que Houellebecq, s’il possède effectivement quelque plume (pour avoir survolé de très loin une ou deux de ses pages, je n’ignore pas de quoi je parle) manque singulièrement de hauteur ne serait-ce que parce qu’il a commis l’impudeur de montrer sa face aux caméras de télévision. Trivialité impardonnable pour un auteur digne de ce nom.

    http://izarralune.blogspot.com/2007/05/509-vignale-me-pose-dix-questions.html

    Raphaël Zacharie de IZARRA

  2. Orlando Curioso dit :

    1/ Bravo. Cet article met l’accent sur l’essentiel : on ne crée pas ex nihilo, etc. Tous autres problèmes (moraux, propriété intellectuelle) sont assez facile à démêler, au crible des règles de « civilité », ou des règles morales, ou des lois. En définitive, ce qui serait à éclairer et qui reste flou, c’est la façon dont l’emprunt intervient dans le processus de création. Voilà qui est vraiment une voie à explorer, un champ d’étude fécond.
    2/ Le livre de Jean-Luc Hennig, très enlevé et fort bien écrit, est malheureusement un livre de circonstance, plutôt désinvolte et qui mélange tout. Anatole France avait publié jadis un article, « Apologie pour le plagiat » (in « la Vie Littéraire », 4e série, Calmann-Lévy, 1924), autrement plus pertinent.

    Merci pour votre site fort intéressant.
    Sentiments dévoués et les meilleurs.
    Orlando Curioso

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