scène de ménage

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Le 3 décembre 2015 par Jean-François Dortier

Le dernier numéro de Sciences Humaines, est consacré à cette redoutable question « comment faire couple aujourd’hui »  Je reproduis ici mon édito.

 » Les couples se font et se défont, en ce début de 21e siècle, à partir de trois ingrédients principaux.

La logique des sentiments. Avant de s’installer ensemble, il faut d’abord se trouver, se plaire, se découvrir, s’attirer, se désirer, s’aimer et s’attacher. Ces sentiments évoluent au fil du temps, et pas toujours au diapason. Il est des couples où l’attachement réciproque prend le pas sur le désir. D’autres gardent une vie sexuelle active tout en restant, sur le plan affectif, étrangers l’un à l’autre. Certains connaissent durablement la passion, d’autres font copains copains ; certains sont fusionnels, d’autres pratiquent l’amour vache ; certains se contentent d’une bonne entente, d’autres ne se supportent plus.

La logique du foyer. Un couple commence à exister vraiment quand il s’installe ensemble. Car s’installer, c’est construire un « foyer ». Le nid conjugal est à la fois un refuge, un foyer ou l’on se chauffe, un « chez nous ». Mais ce nid accueillant est aussi un nœud de problèmes : une histoire d’argent avec ses traites à payer, ses comptes communs ou séparés, une répartition des tâches avec les courses, les repas, les chaussettes sales qui traînent et les ailes de voitures abîmées. Quand arrivent les enfants, l’épreuve se complique : la naissance va souder les uns et chahuter les autres, parfois jusqu’à la séparation.

La logique de la loi. Le couple fut longtemps encadré par une norme : les « liens du mariage » consacrés par la double autorité de l’Église et de la République. En moins d’une génération, ce mariage civil ou religieux a perdu son statut d’institution légitime – normale et normalisatrice – pour devenir une option parmi d’autres : union libre, pacs, rencontres à la carte et couples non cohabitants… La loi n’a pourtant pas disparu : elle refait surface quand il faut donner un nom aux enfants, quand une femme porte plainte contre un mari brutal ou quand un père réclame son droit de garde. Le regard des autres pèse encore de tout son poids. On ne se parle plus, on ne partage plus le même lit, mais on continue à s’afficher ensemble et faire bonne figure : vis-à-vis de la famille, des amis.

Logique des sentiments, logique du foyer, logiques des normes et institutions : le couple ne repose pas sur une essence unique, mais est tissé de plusieurs liens qui s’entrecroisent, évoluent, se renforcent ou s’effilochent. Parfois, il ne tient plus qu’à un fil et – le cas est de plus en plus fréquent – la corde finit par rompre. D’autres se reconstituent bientôt : je te plais, tu me plais, et si on (re)faisait notre vie ensemble ?

L’étonnante capacité des couples à se former, se déformer et se reformer aujourd’hui indique la puissance d’une formule qui a fait ses preuves : le couple est l’un des liens sociaux les plus vieux et fondamentaux qui soient. Quand tout va bien, il crée un paradis à deux. Et quand ça tourne mal, il vous précipite en enfer. Ce dossier explore quelques-uns des enjeux humains, le désir, la complicité, l’argent, le pouvoir, le partage des tâches, la mixité, la cohabitation, le poids de la famille, le regard des autres où chacun trouvera matière à connaître et à se reconnaître. Autour de ces enjeux universels se tissent mille histoires, toutes uniques, toutes singulières, et qui pourtant se ressemblent toutes un peu


1 commentaire »

  1. Jane dit :

    Vous fournissez une excellent matière à réflexion sur la principale cause de dérèglement social dans le monde actuel. Pourvu que ces articles de presse spécialisée serve à consolider les couples en crise (à deux, comprendre ce qui cloche et chercher si ces difficultés peuvent être résolues) plutôt qu’à justifier leur ruptures et séparation (danger des idéologies libertaires car elles sont forcément réductrices des dimensions de l’humain, donc meurtrières ou suicidaires : si le couple a fondé un foyer, il n’existe plus tout seul, il implique non seulement les enfants mais aussi les familles paternelle et maternelle, donc un groupe social plus élargi, ce qui impose d’autres responsabilités qu’il convient de se dire clairement avec franchise, sinon silences d’un côté et soupçons de l’autre feront éclater le foyer)!

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