Sciences humaines: Numéro 300 !

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Le 20 janvier 2018 par Jean-François Dortier

Le numéro 300, de Sciences Humaines vient de paraitre. J’y signe un éditorial et quelques papiers sous plusieurs pseudonymes (à vous de trouver…). Lisez ci dessous l’éditorial. Vous pouvez aussi réécouter l’émission de France Inter consacrée mercredi à SH et au numéro 300. C’est ici:  « comment va la monde » 

 

 » 300 numéros ! 300 dossiers, des milliers d’articles, d’entretiens, de comptes rendus de livres, d’actualités des recherches, d’œuvres classiques revisitées, de points de repère… 27 ans d’existence.

Le premier numéro de Sciences Humaines est paru en novembre 1990. Il s’est passé tant de choses depuis ! L’Urss venait de s’effondrer, la Chine commençait son décollage, les ordinateurs entraient dans les foyers. En 1990, la première page Web voyait le jour. Puis sont arrivés les téléphones portables ; il y a eu le 11 septembre 2001, Google et Facebook, une grande crise financière, les révolutions arabes, Daech, l’élection incroyable d’Obama et celle encore moins probable de son successeur !

Il y a eu aussi des évolutions profondes passées étrangement inaperçues : un milliard de pauvres en moins, une violence qui tend à décliner malgré des îlots d’ultra-violence, un bond en avant de la santé, de la longévité et de l’éducation mais qui se paye de l’émergence de nouvelles pathologies dont le stress, l’obésité et les addictions de toutes sortes, et de phénomènes inquiétants comme les ouragans et les incendies qui annoncent un dérèglement du climat en cours.

À vrai dire rien ne s’est passé comme prévu.

Arrivé à ce point, je pourrais entonner le couplet du directeur de journal qui en appelle, sourcils froncés, à la nécessité d’un journal intelligent, indépendant, distancié et critique, qui, au-delà des remous de l’actualité et des idéologies du moment, tente de cerner les mutations profondes du monde et de la société.

Mais il faut être honnête : Sciences Humaines, pas plus que quiconque, n’avait la clairvoyance nécessaire pour prévoir ce qui est arrivé. Ni même la rigueur suffisante pour se prévaloir d’un jugement totalement neutre et souverain. Au sein même de la rédaction, nous avons des vues différentes sur le cours des choses. Tenez, par exemple : cette année, deux collaborateurs du magazine ont publié des livres aux conclusions diamétralement opposées : Le monde va beaucoup mieux que vous le croyez est signé Jacques Lecomte ; l’autre livre, Cataclysme est signé Laurent Testot. Tous deux écrivent pour Sciences Humaines depuis vingt ans. Tous deux sont des auteurs et conférenciers hors pair, tous deux sont soucieux de rigueur, de clarté et d’esprit de synthèse. Or, l’un professe l’optimisme alors que l’autre se veut plutôt alarmiste.

Alors, à qui se fier ?

Aux deux, bien sûr ! C’est le parti pris de ce numéro, comme celui de Sciences Humaines depuis ses débuts. Surtout ne pas trancher entre les idées rivales, car elles éclairent chacune le monde d’une certaine façon. Le contraire d’une vérité n’est pas l’erreur mais une vérité contraire, affirmait déjà Pascal. Qu’on n’espère pas non plus une motion de synthèse, molle et tiède. Car une pensée vivante doit se nourrir des contraires.

Le monde est contradictoire. Y soufflent des vents multiples. Inutile de vouloir enfermer son regard dans un moule préfabriqué par tel ou tel présupposé.

« Ni rire, ni pleurer mais comprendre », la devise de Spinoza est la nôtre. Notre propos n’est pas d’apporter une vérité que personne ne possède. Avant d’interpréter et juger, assurons-nous d’abord des faits. Avant de trancher, mettons à plat les controverses et les visions du monde qu’elles comportent. C’est déjà beaucoup.

Voilà notre exigence, pour ce numéro 300, comme pour ceux qui ont précédé. Et ceux qui vont suivre : pour longtemps encore.


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